Avant, pendant et après une psychothérapie.par Jacques Salomé – psychosociologue et écrivain.

C’est le plus souvent, poussé par un mal-être, une souffrance intime difficile à dire, un dysfonctionnement physique ou relationnel qui se répète ou encore par la résurgence d’une blessure inscrite dans l’enfance et qui s’est brutalement réveillée, ou par des tensions dans notre couple ou avec la famille d’origine que nous envisageons l’aventure d’une psychothérapie.

Demander de l’aide n’est pas facile. Cela suppose à la fois une pression intérieure liée à l’urgence (en période de crise) et une humilité que nous n’avons pas toujours, pour accepter de se dire à un(e) inconnu(e). Demander de l’aide, oui mais à qui ? Comment choisir, se reconnaître dans l’abondance et le maquis des propositions et des offres pour changer, dans l’éventail bien fourni des thérapies qui sont aujourd’hui proposées sur, ce que j’appelle, le marché de l’intimité. Marché qui semble très juteux pour ceux qui proposent sans état d’âme leurs services et plein de chausses trappes et d’errances à ceux qui s’engagent sans précautions élémentaires avec… un pseudo- thérapeute ! Un vrai thérapeute, dans l’éthique que j’en ai, ne propose pas son aide, il attend (et le bouche à oreille fonctionne bien en ce sens) que l’on fasse appel à lui. Et puis, nous avons des doutes, des inquiétudes sur l’efficacité de la démarche, sur le sérieux de l’aidant, que nous tentons de dépasser par des lectures, par la recherche de témoignages de “ceux qui sont passés par là !” et qui ont survécu (la plupart du temps de façon satisfaisante) à la traversée d’une thérapie ! Nous questionnons, cherchons un conseil de façon indirecte « oh pas pour nous, pour un ami, une amie qui voudrait savoir comment cela se passe… »

Commencer une thérapie, c’est plonger dans l’inconnu de son histoire, c’est prendre le risque de découvrir les zones d’ombre de notre vie, de celle de nos parents, c’est être confrontés à des sentiments, des sensations, des désirs que nous avons du mal à reconnaître comme étant les nôtres.

Et puis quelques mois, quelques années plus tard, quand nous sortons d’une thérapie, il devient difficile d’en parler, de cerner ce qui s’est passé exactement, de dire ce qui a surgi, ce que nous avons découvert, ce qui s’est passé dans l’intime de nous, de nos émotions, de nos sentiments à l’égard du thérapeute, de l’aidant. La seule certitude que nous avons, c’est que nous avons changé, que nous ne sommes plus le même homme, la même femme. Certains pourront dire « ce que j’ai lâché c’est ma peur, ce qui m’a quitté c’est ma colère, ce que j’ai retrouvé c’est mon amour pour mon père, pour ma mère, ce que j’ai compris c’est la peur de ma colère, ma colère d’avoir peur, ce que j’ai retrouvé c’est la femme ou l’homme que je suis vraiment… » D’autres affirmeront s’être réconciliés avec le meilleur d’eux-mêmes, diront leur soulagement à la disparition d’un symptôme qui gâchait leur vie, de malaises qui compliquaient leur existence, le renoncement à un comportement atypique qui polluait leurs relations…

Et d’autres reconnaîtront en eux une liberté d’être plus grande, une conscience plus souple, plus spacieuse, une ouverture aux autres plus fluide, moins défensive, plus tolérante. Et tous pourraient dire combien cette aventure même si elle leur a coûté (en temps, en argent, en remise en cause de leurs relations proches) leur a permis de sentir qu’ils étaient plus présents au présent dans leur quotidien, plus ouverts à l’imprévisible de la vie.

Jacques Salomé est l’auteur de “Et si nous inventions notre vie ?”. (Ed du Relié). “Passeurs de vie”. (Ed Dervy). “Vivre avec soi”.
(Ed de l’Homme). Editorial septembre 2006 www.j-salome.com